Le ministre de l'économie Bruno Lemaire a annoncé 10 milliards d'euros d'économies sur le budget 2024, des économies présentées comme nécessaires pour compenser une croissance plus faible qu'attendue. Le secteur de la connaissance n'échappe pas à ce coup de rabot, malgré les promesses faites. N'y a-t-il vraiment pas d'autres alternatives ?
Ces économies touchent particulièrement le budget écologie, développement et mobilité durables, selon Le Monde, d'où l'on peut déjà en passant déduire que ce quinquennat n'est pas. Mais l'éducation est également concernée, avec 904 millions de crédits annulés pour la recherche et l'enseignement supérieur (2,89% du budget 2024) et 692 millions d'euros pour l'enseignement scolaire (0,83% du budget 2024).
Ce coup de rabot imposé par décret, sans aucun débat au Parlement, était prévisible. Il était même déjà inscrit dans l'avis du 22 septembre dernier du Haut conseil des finances publiques, qui estimait les prévisions de croissance sur lesquelles le gouvernement avaient bâti son projet de loi de finances pour 2024 trop optimistes, « supérieures à celles du consensus des économistes ». Mais l'avis du Haut conseil des finances publiques, le gouvernement ne s'en soucie guère. Comme de celui des parlementaires d'ailleurs, leur évitant d'avoir à se prononcer grâce à un usage répétée de l'article 49.3 de la Constitution.
Il ne se soucie guère de cohérence non plus. Ainsi, les économies imposées au budget consacré à l'enseignement supérieur et à la recherche, qui affecteront notamment le CNRS, l’Inrae, l’Inserm ou l'Inria, adviennent moins d'un an après le rapport Gillet, qui demandait pourtant « L’établissement d’une feuille de route et d’un budget de la recherche clair au niveau de l’Etat et de ses opérateurs », et moins de trois mois après un discours du Président de la République sur « l’avenir de la recherche française ». Dans cette intervention solennelle devant 300 chercheurs sous les ors de l’Élysée, le Président de la République avait dressé un constat sans concession des difficultés rencontrées par la recherche française, déplorant notamment « un sous-investissement chronique » de la recherche, notamment publique, et promettant de « recalibrer de nouvelles ambitions côté financements publics ». On avait dû mal mesurer le sens du recalibrage...
Quant à l'enseignement scolaire, ces mesures d'économies sont annoncées trois mois après la présentation par Gabriel Attal, alors ministre de l'éducation nationale, d'un ambitieux « choc des savoirs » suite à la publication des résultats PISA peu flatteurs pour le système éducatif français, un « choc des savoirs » dont on comprend aujourd'hui qu'il ne se fera pas à budget constant, mais au contraire, avec un budget moindre. Les 692 millions qui seront supprimés du budget de l'enseignement scolaire représentent ainsi l'équivalent de près de 11 000 postes. Ça fait un « choc », effectivement...
« Mais que voulez-vous ma p'tite dame, a-t-on vraiment le choix ? », vous entend je marmonner. Bien si, justement. Dix milliards, c'est pile poil la baisse des impôts de production accordée aux entreprises à partir de 2021 dans le cadre du plan de relance (). C'est une paille – près de 7 fois moins – par rapport au montant des exonérations de cotisations sociales dont l'efficacité en terme d'emploi est pourtant discutable, et même nulle lorsqu'on s'éloigne du SMIC.
Résumons-nous : ce coup de rabot prévisible, qui vient rectifier par le fait du prince une loi de finances elle-même imposée à la hussarde, se concentre essentiellement sur les services publics et prend soin d'éviter de mettre à contribution d'autres acteurs comme les entreprises ou les plus hauts revenus.
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